dimanche 18 octobre 2009

Une semaine parisienne.


Silence radar. Pendant toute une semaine. Je sais ce que vous pensez. Que j'ai pu avoir effleuré l'idée d'abandonner ce blog, et que dans un élan de pessimisme, je m'y suis résout. Parce que malgré tout, des blogs meurent tous les jours. Mais non. J'ai juste eu une bonne grosse semaine, de genre de celles qui vous laissent sur le carreau. Ouch !
Pourtant elle avait plutôt bien commencé. Alors que je regrettais de voir autour de moi des tonnes de gens seuls, j'ai pu mettre à l'épreuve cette implacable réalité.

Dimanche. Métro. Retour d'un mix Tarkovski/McDo, qui me laisse un doute sur l'origine de mon mal de ventre. Quai quasi-désert, comme tous les dimanches. Sauf une jeune fille que je ne vois pas tout de suite, occupé à téléphoner. Elle joue, imperturbable, à sa DS. Mon coeur sursaute ! Un point commun ! Possesseur de DS, j'entrevois la possibilité de rompre les bulles tristes dans lesquelles nous nous enfermons. Avec un peu de chance, elle joue pas à Nintendogs ou une autre bouse vidéoludique dans le genre. Et là, c'est la douce musique du Professeur Layton qui m'arrive aux oreilles. Prof Layton, pour les ignares, c'est juste l'un des meilleurs jeux sur DS, mélange de casse-têtes subtiles, d'animation miyazakienne renversante, et d'une intrigue diablement solide. Ce jeu trotte dans ma tête depuis maintenant plusieurs semaines, et je l'aurais pris comme premier jeu pour ma DS, si 'GTA : Chinatown Wars' ne m'avait pas tendu aussi bien les bras. Cette fille doit être cool. C'est obligé. Alors ça y est, je suis parti, dans ma quête d'éprouver mon constat, mais aussi sans doute dans celle de faire de jolies rencontres.

Il n'en suffit pas plus. DS, Professeur Layton, Miyazaki, Japon... Et au bout d'un moment, elle me révèle qu'elle était juste derrière moi dans la même salle de cinéma, devant le même (long) film de Tarkovski. Joie. Miracle de la vie. Choeurs et trompettes. Et on remet ça : Tarkovski, cinéma, mes études, ses études, ... Et voilà. En 25 minutes, entre les stations Jussieu et Emile Zola, j'ai appris que j'avais juste des tonnes de point commun avec la personne en face de moi. Et en plus, elle est jolie. Manque de pot, ma station arrive trop vite, et on a juste le temps de se dire 'au revoir', en espérant se revoir au détour de la ligne 10 ou d'une salle obscure. J'espère toujours.

Et ça, c'est de la bonne vieille histoire tragico-urbaine.

...

Le reste de la semaine a continué comme si de rien n'était, avec un début de cours à la Fac à grands renforts de café. Mais à l'inverse de bons nombres de mes camarades estudiantins, je suis en adoration constante. J'adore tout dans cette Université. Que ce soit les profs, majestueux et mystiques, ou juste la douce ambiance de cours et d'arts, diablement enthousiasmante.
Et Paris, c'est aussi des petits événements continuels. Que ce soit une conversation super intéressante à la laverie avec un américain amoureux de Paris, à 21h, dans le week-end qui s'éteint doucement. Ou alors l'arrivée du froid, violent, et des vieilles emmitouflées, traînant leurs cabots et leurs sacs à commission. Les départs à 7h, pour les cours, levé en même temps que la pâte du boulanger, et que les stores des commerçants. Quand Paris s'éveille, ceux qui s'éveille avec elle respirent l'air d'une nouvelle journée de tumulte sourd, embarquant dans les méandres des souterrains leurs réveils en cours.
Et finalement, autour de ça, j'ai réussi à faire plein de chose cette semaine. Mercredi. Cours non-stop et match France-Autriche, dans la clameur du Stade de France. Les doigts gelés me brûlent. C'est normal d'avoir mal la première fois. Parait-il. Sympathique moment, mélange de torpeur et d'exultation. Un instant il me semble y reconnaître des ressemblances avec la vie. Et puis j'oublie. Jeudi. Emission 'Le Cercle' de Canal+. François Bégaudeau, Jean-Marc Lalanne, Ali Baddou, Christophe Salengro. And nothing else. Si, une rencontre d'un intermittent bien sympa, et des projets lancés. Cool.
Je découvre aussi, avec bonheur, que la Fac laisse encore la place à des cours de 20 personnes, ou l'individu est respecté. Ca s'annonce très bien tout ça.

Et puis, dans le vacarme de cette première semaine, où les nuits étaient courtes et les ongles rongés, j'en ai oublié d'aller au cinéma. Honte à moi. En même temps, j'ai pas été aidé par une semaine assez pourrie en sortie. Seul rescapé : 'Panda Petit Panda' de Isao Takahata, avec l'aide scénaristique du très cher Hayao Miyazaki. Plein d'espoir. Plein de désillusions. Film débilisant, un peu douteux, et juste inintéressant.

Mais si ce film m'a déçu, il m'a fait découvrir les ballades dans Paris, le dimanche. A la sortie du métro Gobelins (dans le 5e, S-E/ Centre de Paris), les rues sont vides, et le badaud se fait rare. Les skate et les trottinettes prennent possession des routes, les feuilles craquent sous mes pieds. L'air est frais, et une odeur de cheminée vient se mélanger à lui par moments. Le temps d'un instant, Paris me semble être un village. Tout me semble familier. Et je n'ai plus si froid que ça. Les immeubles lointains et la coupole du Panthéon semblent figés dans l'air frais de ce début d'après-midi. Et là, j'aime Paris.



Je signe quand vous voulez pour des semaines comme ça.



Gort



Playlist : 'Cowboy Bebop' OST

samedi 10 octobre 2009

Le retour


Ca devait faire au moins 4 ans. Facile. La Terminale. Quatres années où je n'avais pas touché un livre. Ou tout du moins un livre que je lirais pour mon plaisir et non pour mes études. Je n'ai jamais vraiment su comment expliqué cet autodafé personnel que je m'étais fait. J'avais abandonné Dostoïevski, Tolstoï, Rousseau, Poe, Perec, Asimov, Cervantès et d'autres pour une toute autre littérature, plus confidentielle. Etaient alors entrés Bazin, Durand, Pinel, Amiel, Bergala, Creton et là encore bien d'autres. De la cinématographie pure. Et c'est tout, pendant 4 ans.

J'ai bien essayé, ces dernières années à ressaisir la folie d'un récit, le cours d'une nouvelle, ou le souffle d'une épopée (notamment par de nombreuses, et excellentes, bandes-dessinées), mais je n'ai jamais pu véritablement me remettre aux simples mots. Rien ne saisissait ma pupille, rien ne chavirait mon imagination. Cela fut un mal pour un bien, c'est vrai, car j'ai pu découvrir le 9e Art (si proche du montage) et ainsi me familiariser avec une culture tout aussi intéressante. Mais à chaque fois que j'allais au rayon des illustrés, je regardais toujours avec envie les gens assis en tailleur sur le sol, le nez et l'esprit plongés dans les pages d'un livre.

Et puis, l'été est arrivé, et ma venue à Paris se rapprochait. Une sorte de nouveau départ tacite, officieux, inconscient, que je me devais de saisir des livres à la main, ou ne saisir jamais. A la fin du mois d'août, je me suis alors replongé dans des pages. Mais je n'avais pas choisi par hasard l'oeuvre qui me ferait replongé dans le pur plaisir littéraire. J'avais choisi l'auteur qui m'avait donné envie de lire, alors que j'avais 11 ans à peine : Jules Verne. C'est ainsi que j'ai lu, difficilement je l'avoue, '20 000 lieues sous les mers'. Trop de descriptions scientifiques pour une renaissance. Mais ce petit retour difficile à réveiller en moi quelque chose de très agréable. Une petite envie de m'acharner à tourner des pages. Après 'La Nuit des Enfants Rois', excellent bouquin vite lu de Bernard Lenteric, il fallait que je trouve un autre livre dans lequel je me retrouve vraiment cette fois-ci. Et là est arrivé 'Bilbo le Hobbit'.

Alors bien evidemment, j'avais déjà ouï les péripéties de l'ami Bilbo, par ceux qui les avaient déjà lues et qui m'en contaient sans trop en dire les plus beaux moments. Et puis je m'étais bien sur mis à lire 'Le Seigneur des Anneaux'. Mais mes efforts pour lire ces 3 livres se sont révélés vains. Trop de description tue la description. Je n'ai pas réussi à dépasser la 25e page. Honte à moi. De ce fait, j'appréhendais un peu Bilbo.

Mais il ne m'a pas fallu beaucoup de temps avant que je m'aperçoive qu'il était devenu mon meilleur ami à Paris. Il me suivait partout, coincé au chaud dans la poche intérieure de ma veste. Et il me suffisait de le sortir seulement, de l'ouvrir, et de vivre les mots, puis les phrases, puis l'aventure de Bilbo, Gandalf et des nains, pour me retrouver tout pareil, assis à leurs côtés. Dans un coin du métro bondé, hurlant, mâchant ses kilomètres de ferrailles, il me suffisait d'ouvrir 'Bilbo le Hobbit' pour pouvoir entendre sa respiration haletante alors qu'il s'échappait de l'emprise des gobelins, pour pouvoir sentir la force qui l'animaît quand il tranchait chacun des immondes fils d'araignées qui retenaient ses amis prisonniers. Je n'étais alors plus assis dans les Halles parisiennes, ou sur les marches du Trocadéro, ou tout simplement allongé dans le lit de ma petite chambre du 15e. Non. J'étais en plein Mirkwood, il faisait nuit, et les Wargs, alliés d'un temps des gobelins, nous encerclaient, nous prenant au piège dans les arbres. J'étais suspendus aux cers d'un aigle, à quelques centaines de mètres du sol. J'étais dans les souterrains étouffants du Haut Col, dans l'eau glaciale de la Rivière de la Forêt, ou dans l'antre puant le souffre de Smaug, le majesteux et terrible dragon du Mont Solitaire.
La poussière qui recouvrait Bilbo et les nains m'atteignait aux yeux, et la peur ou la faim qui les tenaillait, je la souffrais avec eux.

J'ai vécu chaque page de ce livre. 'Bilbo le Hobbit' fut mon premier livre parisien, et il a su me redonner l'envie de lire et de me plonger dans des pages et des pages, comme quand j'avais encore 12 ans, et la vie devant moi. Ce qui n'est pas rien pour moi. J'en ai 20 maintenant, la vie est encore devant moi, mais un peu moins quand même.


Mouais... J'ai encore largement le temps de me lire un ou deux bouquins...



Gort



Playlist : 'Mononoke Hime' OST (!!!)

mercredi 7 octobre 2009

Note à l'attention de ces gens.



Cette note est en réaction à ma propre existence, MAIS AUSSI (et là, c'est plus fun) au sublime bouquin de l'ami Boulet, dessinateur de son état. Ce livre, 'Notes - 3 - La viande, c'est la force', entre autres sublimes découvertes et éclats de rires, révèle une petite chose.

L'événement se passe page 147, dernière case. Boulet explique qu'il a lu dans un 'Science & Vie' que le monde invisible, la 'matière obscure', représente 90% de l'univers. C'est à dire que l'homme ne connaîtrait et ne verrait en réalité que 10% de l'univers (en gros). Mais, comme le soulève justement Boulet, c'est complètement idiot.

Quand on est que 10%, c'est que c'est NOUS qui sommes invisibles pour le reste ! Depuis quand 10% représentent une majorité qui considère que les 90% restants, et invisibles à nos yeux humains, sont comme paumés au milieu de nulle part. Et sa copine de répondre, et là est la véritable source de ma note :

'Ho, les parisiens font ça très bien...'.

Véridique.

Voilà. Alors oui, j'entends déjà ceux qui me disent que je n'ai pas passé assez de temps à Paris, que je n'ai pas rencontré les bonnes personnes. Certes. Mais tous les parisiens - et j'entends par 'parisiens', les personnes nées à Paris, ou qui y auraient passé un temps assez long et depuis leurs primes enfances pour être considérés comme tels - que je connais, m'apparaissent, pour l'instant, infiniment blasés et snobs. C'est une petite impression persistante. Désolé.

J'ai la nette impression que quand on a passé son enfance à Paris, capitale du royaume de France, ville des lumières, de la culture etc... on a une sacrée haute opinion de soi-même et on considère le reste de la France, et une bonne partie du monde (exceptés Londres ou New-York, sans doute) comme ne méritant pas notre attention. A part peut-être pour une résidence secondaire, entre parisiens.

Heureusement, Paris n'est pas fait que de Parisiens, et ceux que je dépeins là sont sans doute un genre de parisiens qui m'a fait considérer trop rapidement une partie pour un tout. N'empêche, c'est un facteur commun, et quelque peu dérangeant. Et jusqu'à ce que je rencontre une personne qui me prouvera le contraire, j'aurais malheureusement cette énorme préjugé dans un coin de mon crâne. Alors, parisiens, venaient à moi, et avec votre bonne foi, prouvés moi le contraire !



Sur ce, je vous conseille evidemment les albums de Boulet (auteur de 'Raghnarok', 'La rubrique scientifique', 'Le Miya' et evidemment les 'Notes' qu'ils vous faut posséder absolument).

Et comme le fun n'a pas de limite, ce mec à un blog, qui apparaîtra par magie (harry !!!) en cliquant sur le titre de l'article. Il existe également dans une version lite, sans java : http://www.bouletcorp.com/lite/.


Je pressent déjà des coups de battes dans ma nuque de la part de mes compagneros parisiens. Mais sachez que je vous aime encore, et que je ne veux que vous découvrir encore plus. Mais la vérité parfois, ça fait du bien.


Gort


Playlist : 'The Matrix' OST - Rob D / Clubbed to Death

mardi 6 octobre 2009

Parcours d'un guerrier enrhumé.


Ma récente petite prise de tête (voir message précédent) pourrait occulter le fait que, malgré tout dans cette ville en manque d'humanité, je trouve mon bonheur. Alors, c'est vrai que pour l'instant c'est pas non plus 'fanfare et trompettes', mais je trouve quand même des petites sources de satisfaction. Exemple, hier.

Je venais de passer mon 4e jour sans me laver (véridique), pour cause de chaudière défectueuse. Réveil pénible, je suis encore en phase d'acclimatation. Et pour la première fois pour moi, la pluie à Paris. Ma vie n'était déjà qu'un flot discontinue d'eaux glaciales et de courants d'air porteurs de mort, et il fallut que la météo rajoute sa petite contribution. J'en grelottais d'avance. En fait, je grelotte sans cesse.

Je sors, après avoir enseveli ma personne sous des tonnes de t-shirt, de sous-pull et de manteau bien serré, et j'essaye tant bien que mal de passer entre les gouttes en gagnant ma station de métro. Peine perdue. Casquette trempée, jean trempé. Au moins j'aurais pas besoin de chercher bien loin pour trouver les causes de ma pneumonie. C'est déjà ça.

Programme pas très original, comme toujours, je m'en vais baguenauder dans les rues de Paris. Pour aller voir un film, et pour découvrir les recoins de Paris restaient encore inconnue de ma personne. Je sors à St Michel, au Quartier Latin, foisonnant de cinéma. Et là, première surprise. Après la prise de tête précédente, j'ai devant mes yeux un bon côté de la vie parisienne.
Un quartier, fait de parc, de places et de rues pavés. De-ci, de-là les gens s'aventurent dans les ruelles où passent par moment des voitures mal engagées. Les fenêtres me paraissent bien basses, et les cafés bien remplies pour un jour de pluie. Mais le parisien est imperméable. Quoiqu'il en soit, je repris goût, à cet instant, à ma vie à Paris. En cherchant mon cinéma, sautant maladroitement au dessus des caniveaux débordant d'eau de pluie, je ris intérieurement de cette chaleur intérieure soudaine qui m'a fait oublié mon rhume.

MK2 Hautefeuille. Petit ciné en coin. 'London River' de Rachid Bouchareb. Et voilà, alors qu'on croyait l'année 2009, avare en véritables surprises cinématographiques, bientôt finie, comment on se fait cueillir par un film. Magnifique, troublant, j'en sors ému aux larmes, et le sourire aux lèvres. La pluie s'est arrêtée, je découvre une boutique de BD. Dommage, l'argent manque. Vivement que je sois riche.

Deuxième film, un chouia plus tard. J'ai décidé de passer plus de temps dans le salles chauffés des cinémas. Ma passion apparaît donc comme le seul véritable médicament efficace contre la maladie.
Sinon, je fais comme les gens. Je lis en attendant, dans le métro, dans la rue, dans le cinéma. 'Bilbo le Hobbit' m'accompagne partout, planqué dans la poche intérieure de ma veste épaisse gonflée par la pluie.

Le Reflet Medicis. Sentiment de ciné d'avant-guerre. 'Roman Polanski : Wanted & Desired'. Je sors moins convaincu par le film (un brin bordélique) que par l'honnêteté de Polanski dans ce procès. Il en a bavé, et ils le lâche toujours pas. J'en sors remonté et rempli d'amour pour ce cinéaste brillant. Je rajoute sur ma liste des choses à faire dans ma vie : "Rencontrer Roman Polanski". Avant de me rappeler sa situation inextricable. Merde. Je pense aussi à appeler mon fils Roman. On verra bien.

Petit métro tranquille, Bilbo à mes côtés, entourés de gens qui lisent. Je rentre à ma maison, j'ai la dalle. J'ai presque rien manger. La soirée se passe, et je décide de finir cette journée étonnante, humide, et agréable par ce que je pensais être un bon film de S-F avec le sympa Christian Bale : 'Equilibrium'. Les Frères Lumières doivent faire des triples axel dans leurs cercueils à chaque visionnage de cette bouse. Tout y est absolument mauvais. Je m'endors finalement, à 2h du matin, grelottant de nouveau, en sachant que je devrais me lever à 6h pour avoir ma première douche chaude depuis 4 jours.


Même pas peur. Je suis un guerrier.



Gort



Playlist : Bye Horus / Album 'Locomotives (Histoires marines)'.

lundi 5 octobre 2009

De la fin de l'humanité dans cette ville sclérosée, ou de l'envie de ne pas manger seul...


J'en étais vraiment arrivé à détester cette ville. Elle était devenue, le temps d'un instant, ma pire ennemie.

Je venais de prendre conscience, au milieu de toutes ces personnes, de toutes ces personnalités que je ne connaîtrais jamais, de la vacuité de mon être. Et j'ai remarqué une chose. Ce que j'ai ressentis peut se comparer à un épisode de l'adolescence, au moment de cette fameuse "crise d'ado". C'est "crise" est juste un terme pour signifier la destruction complète de l'univers que nous avaient créé nos parents, relativement inoffensif, par une réalité nettement plus dure. Cette crise est une tristesse pure et simple face à l'effondrement de ce en quoi nous croyions. Cela me paraît légitime.

Cette révélation était de ce type. Ou s'en rapprochait. Car si je ne me suis pas écroulé dans un flot de pleurs et de cris, c'est bien grâce à une chose : la compréhension de cet état de fait comme commun à l'ensemble des habitants de cette ville, voire de la presque totalité de l'humanité. Evidemment, cela peut paraître extrêmement présomptueux. Mais je m'explique. Ce que j'appelle "vacuité" de l'existence, et j'aurais dû le signifier avant, est la somme de tous les mécanismes rigides qui régissent les hommes dans leur rapport sociaux, et qui m'est apparu alors. Toutes ces mimiques, ces phrases, ces mots vidaient de tous leur sens, qui ont balayaient d'un coup les ferments de l'humanité. C'est à dire l'humanité justement, mais aussi la spontanéité, la confiance, l'innocence, la chaleur et la compréhension.

Tout ça à l'air évidemment bien naïf. Mais j'observais encore mieux ce phénomène alors que je mangeais. Pourquoi ne pouvais-je pas m'adresser à la personne juste à côté, et seule comme moi, et également en train de manger dans le silence. J'aurais évidemment put, mais ce que j'appellerais la "pression des mécanismes sociaux" m'en a dissuadée. Alors que je l'accostais, uniquement pour partager quelque chose, au lieu de rester seuls chacun dans un coin en train de primairement se gaver de nourriture, elle aurait sans doute pensé mon interpellation comme un geste intrusif. Pour la draguer (c'était une jeune fille), ou pire pour la distraire pendant que je volais son porte-feuille.

Cela peut évidemment paraître stupide, mais il me semblait savoir ce qu'elle pourrait ressentir, car moi-même je savais ce que je ressentirais dans ce cas là. Et pourquoi alors, cette crainte de l'autre ?
Le fait simple peut-être que l'être humain déserte justement les ferments de son humanité, pour entrer sur les terres de la bête sans conscience. Dès lors, la spontanéité, la confiance, la compréhension auraient laissés place à la loi de la jungle. La victoire de la survie individuelle, au détriment de la cohésion et de la compréhension globale.
Et c'est ce vers quoi, il me semble, nous nous dirigeons. Il suffit de regarder l'état de notre planète. Et de nous. Nous ressemblons de plus en plus à des animaux, prévisibles, malléables. Et c'est de ça que j'ai pris conscience. Au milieu des Halles, pris dans le flot de voyageurs s'extirpant du métro pour s'engouffrer dans un nouveau carcan. Ce jour là, j'ai compris tout ça. Et le pire, c'est que j'ai compris que je n'y pouvais pas grand chose. Car je fais parti du système, et que je fonctionne malheureusement aussi comme ça.

Je ne sais ce qui m'avais ouvert les yeux, mais j'ai perdu une part de mes idéaux ce jour là. Je me suis ressaisis, et j'ai appris à nouveau à aimer cette ville et ses bons côtés.

Néanmoins, j'ai décidé de lutter, à mon échelle, contre cette ville qui broie tout.

J'ai pris une bonne résolution. La prochaine fois, au lieu de rester terrer dans mon coin, je lancerais la conversation, histoire d'essayer de briser les mécanismes qui endorment l'humanité des hommes, et les font avoir peur d'eux mêmes.




On ne sait jamais, je pourrais tomber sur quelqu'un qui n'a pas envie de manger seul.




Gort




Playlist : Barbara