samedi 30 janvier 2010

Ciné US : la mort des 'vrais gens' ?



En cette période du festival de Sundance, le festival du cinéma indépendant américain et international, créé en 1978 par Robert Redford, et voué à offrir à des films à petits budgets une renommée et une diffusion plus large et souvent méritée, il est bon de revenir sur ce cinéma qui n'a pas si longtemps connu un vent de renouveau, s'offrant quelques succès exceptionnels et devenant subitement populaires, traînant derrière lui toute une liste de codes et de critères différents et notables du simple cinéma hollywoodien. Ce cinéma, c'est le cinéma des vrais gens.

Rappelons néanmoins que ce n'est pas la première fois que l'esthétique du cinéma hollywoodien se fait chiper la vedette dans les salles et dans les coeurs. Directement après la Seconde Guerre Mondiale arrivèrent rapidement des cinémas plus populaires et offrant de nouveaux modèles, de nouvelles figures de proue qui portèrent rapidement toute les espérances d'une époque. Néo-réalisme, Nouvelle Vague, New Wave américaine... Des cinémas exigeants et populaires, loin d'une mise en avant de la star, et s'attardant sur ces 'vrais gens', loin de la beauté plastique, et plus faillibles et complexes que les icônes hollywoodiens d'auparavant.

Après cette première vague de ce nouveau cinéma américain à la fin des années 60, celui-ci s'est tassé finalement dans les années 80-90, et les codes hollywoodiens ont repris petit à petit leurs droits dans les salles. Mais l'arrivée des geeks dans le paysage populaire ces dernières années a de nouveau changée la donne, renvoyant ces 'vrais gens' au devant de la scène. Comme quoi, tout cela n'est qu'une question de cycles.

Porteur de cette renaissance, l'arrivée de nouveaux comiques populaires à su imposer des acteurs pas forcément très beaux et aux moeurs plus discutables. Privilégiant la junk-food, et une sociabilité douteuse, ces nouveaux modèles ont d'abord été populaires car cibles de moqueries. Mais l'attention particulière qui leur était accordée, loin du cynisme habituel, les a rendu sympathiques et les spectateurs ont rapidement vus en eux les reflets de leur propres conditions. Confrontés aux mêmes problèmes, parfois peu glorieux, et possédant les mêmes tares ou les mêmes pathologies que les gens de tous les jours, ces personnages sont rapidement devenus ces icônes de la 'vraie vie' : imparfaite, mais attachante car définitivement plus humaine que les standards hollywoodiens.


Symbole de ce virage de l'engouement populaire, le cinéaste Judd Appatow (héritier de John Hugues entre autres), qui avec des films comme 40 ans, toujours puceaux, Supergrave ou En cloque, mode d'emploi a su parler de ces 'vrais gens' (certes en les exagérant) avec tendresse et pertinence, tout en enchaînant les succès au box-office. Car finalement, dans le cinéma américain, tout se joue sur l'argent sonnant et trébuchant. Et avec des budgets minuscules (de 20 à 30M$, ce qui n'est pas grand chose dans le cinéma américain), et des recettes atteignant aisément les 200M$ de moyenne dans le monde, ces nouveaux 'vrais gens' sont vite devenus la nouvelle poule aux oeufs d'or du cinéma US.












Autre figure de ce cinéma, les films indépendants ont également trouvé leur credo. Entre un Little Miss Sunshine et une Juno, coûtant chacun moins de 10M$ pour des recettes de plus de 100M$ (voir plus de 230M$ pour Juno), ces films cheap ont su démocratiser leurs codes pour en faire une véritable marque de fabrique utilisée aujourd'hui un peu n'importe comment par les studios de cinéma pour espérer engranger le maximum de billets verts. Couleurs flashy, imaginaire débridé, poésie visuelle, et imagerie pop mis au milieu des grandes histoires des petits gens. Telle était la panoplie parfaite qui fonctionnait il y a peu.

Mais comme je le disais pour les comédies douces-amers de Judd Appatow, tous ces codes devenus subitement 'branchouilles' et rentables ont été tout aussi rapidement réutilisés par les grands studios hollywoodiens pour en faire, non plus de véritables choix esthétiques résultant d'une volonté de s'émanciper d'un modèle pré-établie désué, et ainsi de proposer une nouvelle conception du monde, et une nouvelle manière d'appréhender les personnages et les acteurs, mais tout simplement des critères de machines servant à ameuter les spectateurs. Rapidement, toute cette imagerie a été utilisé à tort et à travers, et comme tout cinéma esthétiquement subversif, il a été ingéré par la machine hollywoodienne. Les figures pertinentes sont devenus, dans les mains de réalisateurs et de scénaristes moins concernés des coquilles vides et l'esthétique indé pourtant si porteur est devenu un argument commercial, ne reflétant souvent pas grand chose de l'esprit du film.


Away We Go, Les Grands Frères, Bliss, Sunshine Cleaning, 500 jours ensemble, Funny People ... La liste est longue de ces films qui n'ont pas su allier efficacement les aspirations artistiques d'un courant cinématographique original avec les attentes populaires. Ironie de la chose, ces films profondément populistes ne sont plus populaires. La faute aux studios hollywoodiens sans doute comme je l'ai dit, mais aussi aux évolutions des attentes des spectateurs. Une nouvelle ère cinématographique semble s'ouvrir où les questionnements existentiels de personnes bien trop vraies n'intéressent plus grand monde. D'autres problèmes sont survenus, et les publics ne veulent plus voir leur vie mal en point dépeinte sur des écrans de cinéma. A la vue des grand succès de ces deux dernières années (The Dark Knight, Iron Man, Indiana Jones, Twilight, Harry Potter ou encore Avatar), les spectateurs de cette nouvelle ère ne vont visiblement plus au cinéma pour voir de vrais gens dans une vraie vie, mais pour sortir de leur vie. Raisons conjoncturelles, qui reviennent à chaque époque de crise. Pendant ces périodes délicates, le cinéma se porte le mieux du monde, et ce sont les productions les moins exigeantes et les plus facilement grands publics qui font les meilleurs scores.

Les films de 'vrais gens' se retrouvent alors relégués au fond du box-office, et arrivent difficilement à dépasser les 70M$ de recettes, à l'avantage des grandes franchises rassembleuses. Les spectateurs sont heureux (apparemment), mais le cinéma américain ne s'en sort pas forcément grandit, préférant le pré-fabriqué aux véritables originalités esthétiques et scénaristiques. Mais qu'on ne s'inquiète pas tant, comme tout ce qui est sur notre Terre, tout cela ne résulte que de cycles, et je ne serais pas étonné de retrouver d'ici peu la bonne bouille des losers attendrissants que j'ai pris tant de plaisir à voir ces dernières années. Il suffit d'être patient.



Et puis, c'est quand même bien aussi le cinéma pré-fabriqué !



Gort



Playlist : Sharon Jones and the Dap-Kings / This land is your land

jeudi 21 janvier 2010

Bifurcations Shakespeariennes


Je suis à un de ces carrefours qu'on n'osent jamais prendre.

De ceux qui décident si demain sera un lendemain, ou qu'un jour simple où l'on s'extirpe du cours dans lequel on se noie.

Pourtant, les merveilles qu'offrent chaque journée ne peuvent faire qu'exister, elles sont là, ni plus ni moins, seul revient à nous l'audace de les saisir.
Nous sommes des réceptacles, et bien que nous passons le clair de notre temps dans l'obscurité, il nous arrive dans de fugaces moments de saisir l'intensité de la vie qu'on déroule sous nos pas.

Le choix est donc à faire. Avoir la force de voir demain. Demain, demain, demain, et c'est ainsi que de jour en jour nous nous glissons vers la dernière syllabe du grand livre de notre destinée.

Le monde sera bien là demain. La grande question est de savoir si nous aurons la force de le recevoir. La grande question est de savoir si nous, nous serons là.

Et j'avoue ici mes faiblesses d'hommes, il y a des jours comme ça, où je sais bien que ce n'est pas ça. On a envie de se laisser porter, ne rien subir, ne rien vivre. Qui s'en soucierait de toutes façons ? Nous ne sommes que de la poussière qui vole, des oiseaux de passage qui ne font que brasser le vent de leurs ailes qu'ils croient implacables. Et là est notre faute. Les hommes sont des hommes, et les meilleurs l'oublient parfois.

J'en suis là à progresser sur le chemin qui est le mien, à entendre les feuilles sèches et jaunies craquaient sous mes pas, sans savoir où ces pas me mènent. Mais il faudra bien que le choix soit fait, et que la vie reprenne son ampleur, et que la flamme reprenne de sa splendeur.

Comme l'écrit Shakespeare : la vie est un théâtre, où chacun doit jouer son rôle.


Il est temps de jouer le mien. Mettons un peu de vie dans cette aventure.



Gort



Playlist : Paloma Gil - Another Fight / http://www.myspace.com/palomagil

dimanche 17 janvier 2010

Pourvu qu'on ait l'ivresse...


Ca fait longtemps que je n'ai pas véritablement parlé de moi. En réalité, je n'ai pas vraiment eu des masses de temps à accorder à ce genre de petites pages exutoires. Entre fêtes, examens et vraie vie, 'The Flag of Gort' a eu tendance à être en berne. Allez, zou, une petite bourrasque.

Ces dernières semaines ont surtout été les semaines de la non-existence. Passer des soirées à relire des cours, finir des montages urgents ou faire des recherches ne laisse pas énormément de place à l'existence. En même temps, de quoi nous plaignons nous, nous croquons bien assez de la vie pour s'en voir refuser quelques bouts sans obligatoirement maugréer.

Toujours est-il que dans cet agitation estudiantine exceptionnelle, je n'ai pas eu beaucoup le temps d'aller au cinéma. Et les films de sortir, et moi de n'en voir que de pâles aperçus sans pouvoir y plonger. Après 3 semaines cependant, j'ai enfin réussi à replonger une fois dans ces abîmes obscures, percées des clartés intermittentes de la vie.

'Le Bel Age'. Le film vaut par beaucoup sans vraiment transporter. Le plaisir de voir un vieux visage qu'on aime bien, Michel Piccoli. Et de découvrir un joli minois fort plaisant, celui de Pauline Etienne. Mais dans mon expérience, le film n'avait au final pas grand importance.

Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse.

Et rentrer à nouveau dans une salle obscure, échappant à la pluie, fut un vrai, grand plaisir, de ceux qui apparaissent trop rarement. Le seul fait de sortir pour aller au cinéma était déjà de belles retrouvailles. Voir un film sur un petit écran d'ordinateur n'est rien en comparaison à l'ambiance d'un cinéma, à ce sage protocole que quelques gens suivent au nom d'une même folie. Alors même si les seules personnes qui m'accompagnaient étaient des vieux jouant avec leur dentiers ou ronflant dans un coin, le plaisir était là.

Sentir le fauteuil rouge plié sous notre poids, posé sa veste sur le siège vide voisin comme par un rituel, et attendre les quelques minutes avant l'obscurité en triturant son ticket de cinéma. De l'encre sur les doigts. Se laisser aller au grè d'une histoire, enveloppé dans les limbes sombres d'un petit cinéma de quartier.


Une salle de cinéma est décidément un bien agréable tombeau où profiter de l'ivresse.



Gort



Playlist : Dusk Till Dawn / http://www.myspace.com/dtilld