samedi 10 octobre 2009

Le retour


Ca devait faire au moins 4 ans. Facile. La Terminale. Quatres années où je n'avais pas touché un livre. Ou tout du moins un livre que je lirais pour mon plaisir et non pour mes études. Je n'ai jamais vraiment su comment expliqué cet autodafé personnel que je m'étais fait. J'avais abandonné Dostoïevski, Tolstoï, Rousseau, Poe, Perec, Asimov, Cervantès et d'autres pour une toute autre littérature, plus confidentielle. Etaient alors entrés Bazin, Durand, Pinel, Amiel, Bergala, Creton et là encore bien d'autres. De la cinématographie pure. Et c'est tout, pendant 4 ans.

J'ai bien essayé, ces dernières années à ressaisir la folie d'un récit, le cours d'une nouvelle, ou le souffle d'une épopée (notamment par de nombreuses, et excellentes, bandes-dessinées), mais je n'ai jamais pu véritablement me remettre aux simples mots. Rien ne saisissait ma pupille, rien ne chavirait mon imagination. Cela fut un mal pour un bien, c'est vrai, car j'ai pu découvrir le 9e Art (si proche du montage) et ainsi me familiariser avec une culture tout aussi intéressante. Mais à chaque fois que j'allais au rayon des illustrés, je regardais toujours avec envie les gens assis en tailleur sur le sol, le nez et l'esprit plongés dans les pages d'un livre.

Et puis, l'été est arrivé, et ma venue à Paris se rapprochait. Une sorte de nouveau départ tacite, officieux, inconscient, que je me devais de saisir des livres à la main, ou ne saisir jamais. A la fin du mois d'août, je me suis alors replongé dans des pages. Mais je n'avais pas choisi par hasard l'oeuvre qui me ferait replongé dans le pur plaisir littéraire. J'avais choisi l'auteur qui m'avait donné envie de lire, alors que j'avais 11 ans à peine : Jules Verne. C'est ainsi que j'ai lu, difficilement je l'avoue, '20 000 lieues sous les mers'. Trop de descriptions scientifiques pour une renaissance. Mais ce petit retour difficile à réveiller en moi quelque chose de très agréable. Une petite envie de m'acharner à tourner des pages. Après 'La Nuit des Enfants Rois', excellent bouquin vite lu de Bernard Lenteric, il fallait que je trouve un autre livre dans lequel je me retrouve vraiment cette fois-ci. Et là est arrivé 'Bilbo le Hobbit'.

Alors bien evidemment, j'avais déjà ouï les péripéties de l'ami Bilbo, par ceux qui les avaient déjà lues et qui m'en contaient sans trop en dire les plus beaux moments. Et puis je m'étais bien sur mis à lire 'Le Seigneur des Anneaux'. Mais mes efforts pour lire ces 3 livres se sont révélés vains. Trop de description tue la description. Je n'ai pas réussi à dépasser la 25e page. Honte à moi. De ce fait, j'appréhendais un peu Bilbo.

Mais il ne m'a pas fallu beaucoup de temps avant que je m'aperçoive qu'il était devenu mon meilleur ami à Paris. Il me suivait partout, coincé au chaud dans la poche intérieure de ma veste. Et il me suffisait de le sortir seulement, de l'ouvrir, et de vivre les mots, puis les phrases, puis l'aventure de Bilbo, Gandalf et des nains, pour me retrouver tout pareil, assis à leurs côtés. Dans un coin du métro bondé, hurlant, mâchant ses kilomètres de ferrailles, il me suffisait d'ouvrir 'Bilbo le Hobbit' pour pouvoir entendre sa respiration haletante alors qu'il s'échappait de l'emprise des gobelins, pour pouvoir sentir la force qui l'animaît quand il tranchait chacun des immondes fils d'araignées qui retenaient ses amis prisonniers. Je n'étais alors plus assis dans les Halles parisiennes, ou sur les marches du Trocadéro, ou tout simplement allongé dans le lit de ma petite chambre du 15e. Non. J'étais en plein Mirkwood, il faisait nuit, et les Wargs, alliés d'un temps des gobelins, nous encerclaient, nous prenant au piège dans les arbres. J'étais suspendus aux cers d'un aigle, à quelques centaines de mètres du sol. J'étais dans les souterrains étouffants du Haut Col, dans l'eau glaciale de la Rivière de la Forêt, ou dans l'antre puant le souffre de Smaug, le majesteux et terrible dragon du Mont Solitaire.
La poussière qui recouvrait Bilbo et les nains m'atteignait aux yeux, et la peur ou la faim qui les tenaillait, je la souffrais avec eux.

J'ai vécu chaque page de ce livre. 'Bilbo le Hobbit' fut mon premier livre parisien, et il a su me redonner l'envie de lire et de me plonger dans des pages et des pages, comme quand j'avais encore 12 ans, et la vie devant moi. Ce qui n'est pas rien pour moi. J'en ai 20 maintenant, la vie est encore devant moi, mais un peu moins quand même.


Mouais... J'ai encore largement le temps de me lire un ou deux bouquins...



Gort



Playlist : 'Mononoke Hime' OST (!!!)

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