lundi 14 décembre 2009

There is no free lunch.


Le couple m'a tué. Avant j'étais un être solitaire, célibataire endurcie, habitué à ne voir qu'une paire de pupilles dans le miroir. Et ma mélancolie ambiante était le terreau fertile de mon écriture. Le couple est passé par là, et bien que j'en sois heureux, il m'a enlevé l'envie de me poser devant mon ordi le soir, pour décharger mon existence.

Je ne sais plus quel est le connard qui a dit un jour qu'on ne parvient pas à écrire quand on est heureux. Il avait bien raison. Depuis quelques temps, tout va bien dans ma vie, j'ai un nouvel appart plutôt génial, j'ai une copine, et à part quelques ennuis au boulot, rien ne m'empêche de dormir la nuit. Sans nager dans le bonheur, j'ai trouvé un semblant de quiétude. Mais bon voilà. Les jours passent, et l'envie d'écrire n'est plus là. Ou plutôt, rien ne me semble plus sujet à intérêt pour mon blog. D'ailleurs, le début de cet article a du vous sembler d'une vacuité certaine, et je vous comprends aisément.

Qu'est ce qu'on en a à carrer d'un mec à l'existence heureuse ? On s'intéresse plus aux failles, à l'indiscernable, à ce qui n'est pas acquis, et à ce qui bouscule. On s'intéresse plus au combat de gens ordinaire à l'existence bancale, et qui tente tout de même de trouver des raisons de se lever le matin, qu'à un type qui ne se bat pas pour trouver des raisons, qui nage dans l'évidence, dans la facilité. Une victime est toujours plus attirante. Mais là encore ce n'est pas aussi simple.

Evidemment, la vie est plus douce, mais elle n'en recèle pas moins quelques cahots. Rien n'arrive gratuitement dans la vie, et chaque chose donnée doit se payer en retour à un moment ou à un autre. Comme disent les économistes etatsuniens, "There is no free lunch". Pour une fois qu'ils n'ont pas tort, il est bon de le souligner.

Alors pour retrouver de cette humanité perdue lors de ma plongée dans un relatif bonheur - car il est bien question de ça, une victime, par ces failles, est attirante car elle traduit tout le déséquilibre constant de l'être humain -, je vais tenter de vous rassurer en détourant les craquelures encore saillantes de ma situation.

J'ai beau avoir un nouveau super appart, mais je risque sans doute de mourir plus rapidement d'un cancer des poumons, encouragé par la folie nicotinique de mon colocataire. Là où je n'étais qu'un fumeur modéré, je plonge petit à petit dans l'engrenage qui me fera manquer les quelques bouffées d'oxygène nécessaires à l'hiver de ma vie. C'est Lucky Strike qui doit être content.

Et puis, en couple, rien n'est jamais tout blanc. C'est d'ailleurs dans ces moments là qu'on fait les plus étonnantes - et déchirantes - découvertes sur nous mêmes. A mon âge, où les relations semblent peu importantes, je perds l'attachement que je portais à cette espèce d'union de deux âmes. Tout m'apparaît bien futile (ce qui ne fera sans doute pas plaisir à ma copine, mais elle sait combien je tiens à elle), et ma sacralisation du couple a laissé place à une intellectualisation souvent déprimante, faites de calculs, de tactiques, et d'autres petits jeux bien éloignés de la passion, ou de ce qu'on a un jour appelé innocemment "l'amour". J'aimerais pouvoir dire à mon moi de 16 ans : "Ne t'inquiètes pas, tout ce que tu vis, tout ce que tu souffres, n'aura plus aucune espèce d'importance dans 5 ans. Et tes idées de gosse se seront envolées aussi vite que les cris d'oiseaux à l'arrivée du vacarme de la vie des hommes."

Mais si j'en avais un jour l'occasion, je ne le ferais sans doute pas. Les épreuves qui font les plus mal sont celles qui forgent le mieux, et si on arrive à être celui qu'on est, c'est par la compréhension des épreuves passées. Je m'en voudrais de retirer ça à mon moi de 16 ans, et ça ne ferait que repousser l'échéance de ces douloureuses découvertes. C'est un petit con, mais il a encore beaucoup à apprendre. Laissons le grandir en paix, il ne mérite pas, comme nous tous, les lumières crues de la vérité. On aime le diffus, le mystère, la part d'inconnu, laissée dans un coin sombre de la pièce. Elle est bien plus intéressante que toutes les vérités. Et même moi, dans mon semblant de bonheur, j'aime baisser l'intensité quelques fois. Et laissé faire la magie.


J'ai finalement réussi à écrire quelque chose. Je ne suis peut-être pas aussi heureux que je pense l'être. Cool.



Gort



Playlist : Lasse Gjertsen

3 commentaires:

Valou a dit…

Je comprends très bien ce que tu ressens, particulièrement en ce moment.

R.I.P. solitude morne mais créatrice (1990-2009)

J'aimerais quelquefois n'être qu'un flocon. Ne serait-ce que pour rester innocent et pur, beauté éphémère des colères hivernales. Seulement les temps changent.
Le soleil ne sera jamais aussi pesant.

J.C. a dit…

Le bonheur n'est présent qu'après la déception.
Je n'arrive pas à écrire non plus lorsque tout va bien. Etre heureux me tue, en quelque sorte...

Shaar-Lun a dit…

Mon cher cousin,
Comme votre peine me peine. Et ce n'est pas la distance qui nous separe, vous en la capitale et moi bien loin sur le nouveau-monde qui attenueront mon chagrin de vous savoir si las. Je ne desespere pas de vous voir bien vite reprendre bon train.
Cette distance m'evite a moi-meme bien des soucis, bien que l'absence de ma tendre me pese.
Bientot de retour sur le vieux continent, j'emet l'idee de vous rendre visite.
Bien a vous,
votre devoue cousin, Gauthier.