Dave Brubeck souffle sa douce litanie à travers ma chambre. Le piano lui donne la réponse, comme deux amants sur la même longueur d'onde. Pensif, j'ai envie de tirer le rideaux de ma chambre et découvrir ainsi les ombres des gens endormis. Je le fait.
Je suis déçu. Les ombres se mêlent à la nuit, elles dorment, elles en profitent, avant de redevenir des sillons humains creusés par la violence du jour. Elles auront alors perdues de leurs attraits, de leurs superbes. Elles auront perdues, pour quelques heures, ce fil d'Ariane qui nous unie dans les nuits solitaires. Il est 1h33, et j'ai froid.
Miles Davis embraille la cadence, sûr de lui. Toujours. Sacré Miles.
***
J'aime bien être comme ça, comme ce soir, incapable de dormir, sans doute à cause d'un café bu pour les yeux d'une jolie fille. Je suis un grand romantique, et les romantiques sont toujours seuls, c'est bien connu. Sinon ils perdraient leur seul raison de vivre, la recherche vaine de leur amour. Les romantiques sont ces gens qui, le soir, se racontent des histoires pour se donner du courage, et qui s'endorme avec des rêves plein la caboche. Les romantiques ne sont juste pas faits pour vivre dans la vrai vie.
***
Ces soirs là, j'aime être seul. Face à ce que je trouve le plus efficace pour traduire ce qu'il se passe à l'intérieur. Bien tapie. Vous savez, ce qu'on ne voit pas, jamais, et qu'on se contente de deviner. Personne ne découvrira ce qu'il se passe à l'intérieur, et je doute même de l'entrevoir un jour. Mais ces soirs là, quand tout le monde dort, et que le blues est la seule musique capable de cadencer le rythme des touches de mon clavier d'ordinateur, et bien c'est là que j'aime être, là que j'aime cogiter un peu.
***
J'aime la nuit. J'aime cette couverture, cette chape de plomb qui tombe sur les hommes, sans qu'ils puissent rien n'y faire. La nuit transforme tout. Elle transforme une ville bondée et invivable en ville lumière, où chacun, avec la complicité de l'obscurité, s'offre une nouvelle chance.
On devrait tous avoir une seconde chance. Histoire de pouvoir se tromper à nouveau, mais en le sachant. C'est comme quand il faut sauter du plongeoir, quand on est gosse. Au début, on a peur, on plonge, on ne sait pas ce qu'il y a au bout, on s'en doute un peu, mais au fond de nous, on a peur. Et puis une fois fait, on y retourne illico, pour revivre le frisson. Le frisson de l'inconnu. Parce que tout contrôler est bien trop triste, et que se tromper, douter, avoir peur, jusqu'à en crever, ça nous met à l'épreuve, ça nous prouve qu'on existe. Faudrait que tout le monde ait une seconde chance, juste pour exister un peu plus.
J'en ai trop dit. Je suis fatigué. Bonne nuit. Les ombres.
Gort
Playlist : Miles, Dave Brubeck / 'Round Midnight, So What, Bye Bye BlackBird, Bluette ...
2 commentaires:
Rahhh, c'que j'kiff quand tu sors un article ^^
J'aime bien, j'veux juste le dire ........
Enregistrer un commentaire